Méda a fui les bombes, la guerre dans son pays…

POEME INSPIRE D’UN TEXTE DE GRAND CORPS MALADE
Malory TABONE étudiante sage-femme (en Stage à MéDA 2021)
2022

Méda a presque 20 ans, enfin, plus ou moins mon âge je dirai
C’est l’impression que j’en ai de l’autre côté du bureau du cabinet
Méda a fui les bombes, la guerre dans son pays
Elle sait qu’elle avait peur mais ne sait plus de quels ennemis
Entre les tirs des camps, des rebelles, de l’Occident
Des coalitions de partis et de son mari non choisi, elle ne sait plus d’où vient le vent
Elle ne sait plus d’où vient la poudre qui a rasé ses rêves et son village
Elle ne sait plus qui donne les coups qui ont éteint son visage
Elle sait juste que l’Homme est fou et que c’est là-bas en Ethiopie
Que s’est formé petit à petit l’épicentre de sa folie
Méda pense à tout ça en me racontant son histoire avec hésitation
Moi je lui fais un signe de tête et je poursuis ma consultation
J’avais peut-être un peu de monnaie tout à l’heure devant le métro
Je me rappelle son regard, j’avais déjà croisé Méda en sortant de l’hosto
Après trois ans de périples dans toutes sortes de galères, d’embarcations,
Elle a souvent cru que la mort serait sa seule destination
Comme lors de cette nuit noire, au milieu de la mer Méditerranée
Dépassée par les vagues, sur un zodiac bien trop léger
Entre les centres de rétention et les passeurs les plus cruels
Méda a perdu de vue tous ceux qui avaient fui avec elle
Elle s’est retrouvée seule avec la peur, le ventre vide
Et des inconnus aussi perdus qu’elle comme seuls guides
Marchant pendant des semaines, puis payant à des vautours
En cash ou piteusement en nature sa course en camion sans détours
Après ces mois d’enfer, elle passe ces nuits sur un carton
Son eldorado se situe non loin du squat de la chapelle sous un pont
Méda pense à tout ça en accrochant enfin mon regard
Moi je lui fais signe de la tête, j’écoute son histoire
J’avais peut-être un peu de monnaie tout à l’heure devant le métro
Je me rappelle son regard, j’avais déjà croisé Méda en sortant de l’hosto
Dans ses nuits, les cauchemars d’expulsion sont réguliers
En attendant d’obtenir le statut de réfugiée
Ou à défaut la protection subsidiaire
Elle se renseigne sur ses droits, sur ce qu’elle pourrait bien faire
Elle imagine parfois sa vie d’étudiante dans son pays
Et si la justice avait des yeux, et si la paix était brandie
Elle sourit parfois quand elle trouve la force d’y penser
Elle rêve en Ethiopien, mais là elle pleure en français
J’ai un pincement au cœur mais on est en retard, on s’active pour rendre son récit visible
Elle porte des cicatrices dedans et dehors. Très compatibles
L’horreur est sous mes yeux mais d’autres drames sont en salle d’attente
De tout façon, je l’ai toujours cette monnaie. Demain j’irai voir Méda sous sa tente